À la rencontre du Prof. Sami Ben Amor, expert en technologie numérique | Université Antonine | UA

  • À la rencontre du Prof. Sami Ben Amor, expert en technologie numérique

    15 février 2022
    À la rencontre du Prof. Sami Ben Amor, expert en technologie numérique

    Avec les changements qualitatifs, brusques et rapides induits par l’omniprésence du numérique dans la vie des jeunes, et dans le souci de construire une communauté estudiantine apte à s’adapter aux transformations incessantes qui ne cessent de prendre de l’ampleur dans ce monde digital, l’Université Antonine (UA) cherche à intégrer cette évolution dans ses pratiques pour réussir à former des étudiants éclairés et responsables. Vu que les générations nouvelles sont constamment bombardées d’informations de toutes sortes et provenant de toutes parts, l’UA accorde actuellement une énorme importance à l’utilisation des outils et des contenus numériques pour en promouvoir un usage raisonné et éthique.

    C’est pourquoi, et dans le cadre de « l’appel exceptionnel pour un soutien aux mobilités académiques et scientifiques au Liban » lancé par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) au Moyen-Orient pour l’année 2021, la Faculté d’information et de communication (FIC) a eu le plaisir d’accueillir Pr Sami Ben Amor, directeur adjoint de l’UFR Ingémédia (Unité Formation Recherche en Sciences de l’Information et de la Communication) et responsable de la formation Master Information Communication, ainsi qu’enseignant chercheur au laboratoire IMSIC (Institut Méditerranéen des Sciences de l’Information et de la communication) de l’Université de Toulon, qui nous a honorés de sa présence du 30 janvier au 5 février 2022. Le Professeur Ben Amor s’est d’ailleurs rendu à plusieurs reprises à l’UA pour enrichir l’expérience d’apprentissage des étudiants, surtout que son expertise dans ce domaine est extrêmement précieuse et que sa vision à la fois solide et pédagogue en fait de lui un interlocuteur incontournable.

    Voici quelques-unes des questions lui ont été posées pour examiner et éclairer différents aspects relatifs à cette innovation technologique.

    1. Quels sont les concepts clés sur lesquels vous vous focalisez, que ce soit au niveau de l’enseignement ou de la recherche ?

    Dans le cadre de nos recherches au laboratoire IMSIC en sciences de l’information et de la communications (axe 1 : enjeux et usages des dispositifs sociotechniques numériques et des mutations informationnelles), nous analysons les dynamiques informationnelles, matérielles, techniques et socioculturelles liées au numérique, qui affectent l’ensemble des activités privées et publiques. Nos travaux s’inscrivent dans une réflexion internationale sur les enjeux des données massives, de la relation entre savoirs scientifiques et ceux issus de la société en mouvement dans les grandes organisations et institutions nationales et internationales.

    Nous exploitons ces connaissances dans le cadre de nos enseignements pour accompagner les étudiants dans la compréhension des différentes approches infométriques, des enjeux liés à l’exploitation de grandes quantités de données, aux conditions de création des valeurs aujourd’hui, et ce à tous les niveaux : économique, éthique, juridique, sociale, pour n’en citer que quelques-uns. Enfin, nous abordons les enjeux éthiques et de l’intelligence artificielle à l’exploitation des données massives.

    2. Comment avez-vous pu concilier vos enseignements théoriques et ceux pratiques ?

    Évoluer dans l’ère du numérique nécessite une remise en question continuelle des approches d’enseignement et des contenus proposés aux étudiants. Personnellement, j’inscris mes séquences pédagogiques dans une démarche inductive par projet. En effet, la compréhension des enjeux liés à la data (de l’extraction au traitement et à la mise en place d’outils d’aide à la décision) nécessite de passer par des phases d'observation, d'analyses spécifiques, de mise en place de dispositifs numériques exploitant les données, à des perspectives plus générales. Cette approche projet permet également aux étudiants de comprendre la nécessité de la mise en œuvre d’une stratégie d’information pour répondre aux besoins en information des entreprises, institutions, etc.

    3. Quels ont été les principaux projets que vous avez réalisés et comment avez-vous réussi à les concrétiser ? En outre, quels sont ceux que vous envisagez à court et à long terme ?

    Dans le cadre du laboratoire IMSIC, nous avons collaboré dans plusieurs projets et programmes de recherche, à titre d’exemples :

    Le programme ObTIC (Observatoire de la société de l’information en région Provence-Alpes-Côte d’Azur) : l’objectif était d’observer la société de l’information dans la région PACA comme ses homologues des autres régions en France et en Europe afin, d’éclairer l’action publique (indicateurs quantitatifs et qualitatives).

    Le programme CRDP-CANOPÉ (Centre de Recherche et de Développement Pédagogiques – Centre National de Documentation Pédagogique) : l’objectif était l’observation de l’intégration des supports numériques en situation pédagogique, le cadrage de l’action, et la réflexion sur l’acculturation au numérique dans le cadre théorique des DISTIC (dispositifs sociotechniques d’information et de communication).

    Le programme REMIE : l’objectif était d’évaluer les usages, les services et les contenus numériques innovants dans le champ éducatif, à travers une expérimentation à échelle significative (minimum 2000 élèves et leur professeurs) sur le territoire français.

    Le programme incubateur : l’objectif était d’étudier les pratiques collaboratives, le numérique et la participation des acteurs de l’éducation.

    Plusieurs autres projets ont été mis en place dans le cadre pédagogique, en partenariat avec des industriels, des institutionnels ou encore des acteurs de la culture.

    4. Pensez-vous que notre rapport à l’information ait changé et si oui, comment ?

    Clairement oui ! L’information doit être utile à l’usager. Les éditeurs de contenus font sans cesse évoluer leurs algorithmes pour atteindre les meilleures positions et satisfaire l’usager.

    En effet, aujourd’hui, tout chercheur d’information est désormais confronté à un phénomène de surcharge informationnelle. L’information trouvable est en perpétuelle croissance. L’organisation des pages de résultats des moteurs de recherche repose sur les attentes des internautes, sur leurs critères de satisfaction implicites et explicites, dans un marché en constante évolution et aux enjeux financiers importants. Pour atteindre les meilleures positions, les entreprises et les éditeurs de contenus mettent en place des stratégies sophistiquées exploitant les potentialités du marketing 2.0. Cette guerre silencieuse entre les entreprises et entre les éditeurs de contenus a participé à l’accroissement du phénomène d'infobésité.

    Ainsi, les nouvelles méthodes de production des contenus entrainent la relégation des informations de qualité au second plan. Nous sommes assaillis par une déferlante d’informations hétérogènes, d’inégales qualités et impossible à maitriser. Comment peut-on trier et organiser cette information et éviter le phénomène d’infobésité ?

    5. Quelles sont, selon vous, les compétences que les étudiants doivent acquérir pour pouvoir réussir dans ce domaine ?

    Il faut avant tout une bonne adaptation pour faire face au numérique et aux innovations technologiques qui se concrétiseront rapidement d’une année à une autre, notamment celles liées à l’intelligence artificielle. Il faut surtout ne pas rester immobiles, car l’obsolescence des compétences est rapide.

    Ensuite, ils doivent avoir de la curiosité et devenir de vraies éponges attentives au numérique. Ils doivent être en capacité de saisir les informations pertinentes et les bonnes opportunités pour le secteur d’activité. Ils doivent s’informer, consulter l’actualité, lire des contenus précis, complets, documentés, analyser les retours d’expérience de leurs confrères. Dans le domaine de la data, cette compétence est indispensable pour analyser et interpréter les données et en tirer le meilleur parti.

    Une autre compétence à avoir est la capacité d’analyse. Les étudiants doivent recueillir et traiter un ensemble de données de différentes sources. Ils doivent être en capacité de les structurer et de les organiser pour faciliter le travail d’analyse. L’ensemble des étapes permet la mise en place de processus décisionnels data-driven pour tirer profit de toutes les informations utiles aux activités de l'entreprise et aider les managers à prendre les décisions justes quant aux orientations futures de l’entreprise. Enfin, ce travail de l'analyse permet en effet de confirmer ou infirmer des hypothèses et théories pour obtenir un avantage compétitif.

    Enfin, les étudiants doivent poser un regard critique sur les innovations technologiques liées à l’exploitation des datas et interroger leurs dimensions éthiques ainsi que les nouveaux rapports entre l’homme et la machine.

    6. Quel est l’intérêt du renforcement de la mobilité enseignante internationale, surtout que la mondialisation de l’information ne cesse de s’accélérer ?

    La mobilité internationale est un concept de nature transversale qui s’intègre dans toutes les sphères de la vie universitaire. Elle a comme objectif l’amélioration en continu des formations et des échanges scientifiques et contribue à la réputation internationale de l’institution.

    Renforcer la mobilité enseignante internationale, malgré l’accélération de la mondialisation de l’information, est la meilleure manière d’enrichir les approches pédagogiques et scientifiques, les idées, les personnes et les sociétés. Elle contribue à la mise à l’épreuve des savoirs et des modèles de formation et de recherche aux réalités mondiales. L’objectif est d’essayer d’atteindre les plus hauts standards de qualité de la recherche et de la formation à travers, par exemple, la mise en place de projets à partir de la base (professeurs et étudiants).